Bastien Jakubowicz
“ Le fait d’être détaché de ce sport, je ne sens pas d’obligation, ça m’apporte une flexibilité dans ma vie que d’autres n’ont pas…”
Interviewé le 17/07/2025
Publié par Célian Frossard
Sport : Force Athlétique
Portrait N°6
Son parcours sportif
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HMC Bourgoin Jallieu
Responsable Pôle compétition
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Ligue AURA de Force Athlétique
Sportif de haut niveau
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Fédération Française de Force Athlétique
Sportif de haut niveau
Caractéristiques
Né à : Saint-Maurice-de-Goudrans (Ain, 01)
Âge : 21 ans
Taille : 1 mètre 68 pour 74 kilos
Sportif de Haut Niveau (SHN) en cursus d’étude supérieure
Nationalité : Français
Situation Actuelle : commercial chez One System
Ses Passions :
Pêche
Échecs
Ancien sapeur pompier
Sports Nautiques
Pourquoi Bastien ?
Célian :
Dans un univers où la performance devient souvent une identité et où beaucoup rêvent de vivre de leur discipline, Bastien Jakubowicz fait un choix radicalement ContreCourant : préserver le sport comme un plaisir, et non comme un métier.
Athlète de haut niveau en force athlétique, il revendique une liberté rare — celle de performer sans pression financière, d’aimer son sport sans en dépendre, et de construire sa vie autour d’un équilibre plutôt que d’un sacrifice.
Son parcours interroge, inspire, et rappelle qu’on peut viser l’excellence tout en refusant d’être prisonnier de sa passion.
« Patient »
C’est quoi la force atlhétique ?
Bastien : Alors, concrètement, ma discipline, on la confond souvent avec de l'haltérophilie. Ça ressemble... En fait, dans ma discipline, il y a trois mouvements. Le squat, le développé couché et le soulevé de terre. Il y a trois essais par mouvement. Et l'objectif, c'est de faire le plus gros total de ces trois mouvements dans sa catégorie de poids.
L’interview…
Célian : Je vais te demander de te présenter brièvement.
Bastien : Moi, je m'appelle Bastien Jakubowicz, je suis commercial dans l'informatique. On s'est rencontrés avec Célian, effectivement, par rapport à mon métier. Et puis sinon, dans la vie, je suis un fervent pratiquant de force athlétique et j'habite à Saint-Maurice-de-Gourdans, dans le département de l’Ain.
C. : Je vais te demander de décrire l'environnement familial et social dans lequel tu as grandi et comment tu as vécu ton enfance.
B. : Alors moi, j'ai grandi dans une famille de sportifs, avec un père qui pratique du sport haut niveau, qui a rencontré ma mère aussi au sport. Donc mes parents sont encore ensemble.
C. : Tu as pratiqué quoi comme sport ?
B. : Tennis de table et tennis aussi. J'ai grandi avec mes parents, j'ai une sœur jumelle et un petit frère. On a tous grandi globalement dans le sport. J'ai pratiqué pendant des années le tennis de table à haut niveau, à l'étranger, enfin en international aussi. Et ensuite, suite à ça, j'ai fait beaucoup de sport de combat pendant mon enfance. Ensuite, je me suis mis effectivement à ce sport-là qui est la force. La force athlétique.
C. : Au niveau de l'école, quelle attache tu as eue avec cette institution ? Tu as suivi quoi comme parcours ? Tu disais que tu étais commercial. Quel a été ton parcours scolaire ?
B. : Alors j'ai toujours... Je n'ai jamais aimé forcément l'école, je ne l'ai jamais détestée non plus. J'ai suivi un parcours général, parce que je suis allé en collège, lycée général. J'ai validé mon baccalauréat, et après je suis parti faire un an de STAPS, qui ne m'a pas du tout plu, parce que la théorie du sport, ce n'est pas mon truc. Ce que j'aime, c'est la pratique. Et après, je me suis réorienté sur le commerce, avec un bon niveau en commerce, puisqu’aujourd’hui, je réussis très bien mes diplômes et mes formations. C'est la première fois que l'école me réussit autant que depuis que je fais du commerce.
C. : Ok. Et à quel moment la force athlétique est arrivée dans ta vie, et quel contexte ce sport a pris dans ta vie au fur et à mesure du temps ?
B. : Alors au début, c'était uniquement du street workout que je pratiquais. Et du street workout, je suis rentré en salle de sport en étant à Lyon pour mes études. Et donc, comme une évidence, je me suis mis à faire du street lifting. Et suite à une ou deux blessures au coude, j'ai souhaité faire un sport de force un peu moins traumatisant. Enfin, je pensais un peu moins traumatisant, en tout cas, pour les coudes, qui est la force athlétique. Et de là, j'ai acheté mes premiers équipements, ceinture, et ainsi de suite, pour la pratique de la force. Et une fois que je suis tombé là-dedans, je n'en suis plus jamais sorti.
C. : Et c'est à quel moment que tu as su que tu voulais en faire de la compétition ?
B. : Alors c'était déjà... En fait, j'ai fait de la force athlétique pour faire de la compétition, dans le sens où ce qui me frustrait dans la pratique du street lifting, c'était le fait qu'il y ait peu de compétition. Parce que je voulais faire beaucoup de compétition, moi j'ai toujours été un compétiteur. Pour moi, sport rime avec compétition. Et donc, je voulais vraiment pratiquer des compétitions. Je savais qu'en force, il y en avait beaucoup. Et donc, dès le début de la force, en fait, j'étais déjà inscrit en compétition. C'était déjà...
Entre sport et passion…
C. : Une question, il faut savoir que tu es commercial et ne vit pas de ta passion. Est-ce que c'est un choix pour toi de ne pas faire de ton sport ton métier, ou c'est une obligation due à la renommée du sport ou à son écosystème ?
B. : C'est vraiment un choix. Pour moi, le sport, ça doit rester un plaisir avant tout. Ça reste une passion. On me demande régulièrement : « Bastien, tu peux me faire un programme, tu peux me coacher, tu peux me faire ça ou ça ? » Je dis toujours oui quand ce sont des amis à moi ou des proches. Mais je le fais toujours gratuitement. Je ne veux pas en faire mon métier, je ne veux pas gagner d'argent par rapport au sport, je ne veux pas que ça devienne une obligation. Je veux que ça reste une passion, un passe-temps. Et je veux pouvoir m'en dissocier quand je le souhaite. Pouvoir partir en vacances… Par exemple, on parlait de partir en Norvège, ne pas m'entraîner pendant deux semaines. Je veux que ça reste possible. Chose qui n'est pas possible quand c'est son sport, avec des athlètes à coacher, des retours à faire. Je ne veux pas être dépendant de ça.
Quel type de sportif est Bastien ?
C. : Qu'est-ce que ça implique pour toi d'être sportif de haut niveau ? Tu es aujourd'hui sous statut SHN. Est-ce que c'est quelque chose où t'en tiens une satisfaction ? Qu'est-ce que ça implique humainement ?
« Non, pas spécialement. C'est plus un statut qu'autre chose qui me permet d'avoir des horaires sur les compétitions un peu plus flexibles par rapport à l'école. Mais derrière, je ne me considère pas meilleur que qui que ce soit. N'importe quel athlète qui passe du temps au sport, il a le mérite de faire ce qu'il fait. Je respecte chaque discipline, chaque pratiquant. Chacun a ses objectifs. Moi, mes objectifs sont compétitifs. Donc forcément, ça n’implique pas les mêmes choses. Mais derrière, j'entends totalement que quelqu'un puisse avoir des objectifs uniquement pour loisir et se faire plaisir dans son sport. Et c'est quelque chose que je respecte parfaitement. »
C. : Quels sont les adjectifs qui décriraient au mieux le sportif que tu es ?
B. : Ambitieux. Respectueux. Que ce soit des décisions arbitrales du corps, etc. Et surtout, patient. J'ai un sport qui nécessite la patience et je suis quelqu'un de patient. Je pratique en silence. Silent worker, comme on dit. Je pratique en silence mon sport et je progresse silencieusement.
“j’ai vu des gens m’impressionner, j’ai voulu faire comme eux.
Je me suis donné les moyens de réussir. ”
Bastien
C. : Ça va concorder avec la prochaine partie de cette interview où je vais aborder l'apport du sport dans ta vie. Ça serait quoi les apprentissages du sport que tu as encore aujourd'hui ? C'est quoi le mantra de ta discipline qui fait que tu arrives à être performant et à avoir une vie aussi épanouissante ?
B. : Je dirais que c'est surtout la célèbre phrase : « Quand on veut, on peut ». Moi, c'est vraiment ça. Je n'étais pas prédéfini à faire ce sport-là. J'ai commencé avec 20 kg au squat à la barre Smith. Quelque chose qui est vraiment minable. Et pour autant, j'ai vu des gens qui m'ont impressionné. J'ai voulu faire comme eux. Je me suis donné les moyens de réussir. Et aujourd'hui, j'essaie d'aider le maximum de personnes que je croise à la salle de sport à avoir le même parcours, de se battre pour avoir ce qu'ils veulent. Et derrière, j'essaie aussi d'apprendre plein de choses. Je sais que maintenant, à l'impossible, nul n'est tenu. Et que potentiellement, si je veux quelque chose, je peux l'avoir. Et que tout est accessible finalement, d'une certaine façon, avec du travail et des sacrifices.
C. : Au niveau de ton métier, quels bienfaits du sport t'intègrent dans ton travail ? Ça peut être patience, comme tu m'en parlais, le respect ou autre. Qu'est-ce qui concorde entre le sport et ton métier aujourd'hui ?
B. : Le côté compétitif, déjà. Entre commerce et sport, on a toute la partie compétitive. Et puis, je dirais que le sport est un... pas une échappatoire, parce que mon métier se passe très bien, mais ça permet vraiment de créer une scission entre le travail et le côté perso.
C. : Ça veut dire que toi, tu fais vraiment une séparation entre ton sport et ton métier ?
B. : Oui. Ce sont deux choses bien différentes, bien distinctes. Même si je réponds toujours à mes clients, même quand je suis à la salle de sport, parce que mes temps de repos sont longs. Hier, Célian m'a appelé pendant ma séance, je répondrai toujours, parce que de toute manière, pour moi, les deux sont liés. L'urgence du client prime sur le sport.
C. : Quel conseil tu donnerais aux lecteurs qui aimeront lire ton portrait ?
B. : Lancez-vous, faites du sport, à votre rythme et avec vos volontés. Et surtout, ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier. Dans mon sport, beaucoup donnent tout. C'est un sport qui est prenant au quotidien : alimentation, sommeil, train de vie. Et derrière, lorsqu'il y a une blessure, ils ne savent plus quoi faire. Ils tombent dans de lourdes dépressions. Ayez des échappatoires. Si vous êtes sportif de haut niveau, faites d'autres choses. Soyez capable de déconnecter avec votre sport plusieurs semaines et de savoir quoi faire autre que le sport. Il ne faut pas que ce soit votre seul schéma de vie.
L’anecdote marquante en compétition
C. : Y a-t-il une anecdote marquante ou marrante que tu aimerais me partager sur ton parcours ? Lors d'une compétition ou autre par exemple.
B. : J'en ai eu une récemment qui est assez marrante. Mon coach et mes amis n'arrêtent pas de se moquer de moi. Lors d'une compétition, un matin, j'étais sûr d'être au poids. Parce que je m'étais pesé à la maison à 73kg et des bananes. Et dans la voiture, je me suis permis de manger une petite barre protéinée. Parce que j'avais vraiment très faim. Et arrivé à la pesée le matin, on est avec 3 juges dans la salle. Qui sont d'un certain âge quand même. Et je n’étais pas au poids, j'étais à 74,20kg. Alors j'enlève ma chaîne, j'ai une chaîne autour du cou. Une chaîne de baptême. J'enlève ma chaîne, j'enlève tout ce que je peux enlever, mes chaussettes, etc. Et encore 74kg trop haut. Et là du coup je n’ai pas eu le choix, j'ai dû tomber le caleçon. Et ça, ça fera encore rire mes amis qui me disent que je suis un exhibitionniste devant les anciens. Et c'est comme ça que j'ai été au poids à 73,95kg un matin en enlevant le caleçon devant 3 mecs. Et donc ça nous a tous fait beaucoup rire.
Pourquoi Bastien c’est Contrecourant ?
C. : Tu m'as parlé de ton parcours. Tu m'as dit que tu es passé par plusieurs sports. Aujourd'hui, ton sport, ce n'est pas ton métier, ça reste ta passion. Est-ce que tu te sens un peu à ContreCourant par rapport à ça ? Et si oui, qu'est-ce que ça implique ?
B. : Oui, je suis à contre-courant. Beaucoup de gens qui passent autant de temps au sport veulent à tout prix en faire leur métier ou leur passion. Enfin, leur « gagne-pain-passion », on va dire. Alors que moi, finalement, le fait d'être détaché de ce sport, je ne me sens pas d'obligation. Et donc, ça m'apporte une flexibilité dans ma vie que d'autres n'ont pas. Je me permets de louper une séance, parfois. Je me permets de pouvoir partir une semaine en vacances, quand je le souhaite. Je me permets cette flexibilité que quelqu'un dont le sport et son « gagne-pain » ne peut pas se permettre.
C. : Est-ce que ça te permet aussi cette valeur d'être à ContreCourant, d'être plus performant, puisque comme tu dis, tu es peut-être plus relâché sur certaines choses, et ça te permet d'avoir une meilleure gestion de la pression ou du moins d'un événement sportif ?
B. : Disons que je suis plus détaché, moins stressé. En compétition, on le voit avec mon coach, je n'ai jamais de problème de stress ou de quoi que ce soit puisque je sais que quoi qu'il arrive, ça ne va pas impacter mon salaire à la fin du mois ou quoi que ce soit. Je veux dire que quoi qu'il arrive, ma performance n'impacte que moi, mon mental, mais elle ne va pas me toucher mon assiette. Et ça, c'est quelque chose qui permet vraiment de se détacher et d'être plus performant mais d'être plus à l'aise, de moins trembler et de moins vivre au jour le jour.
C. : Quelle valeur aujourd'hui t'apporte un parcours atypique dans le sport ? Le tien par exemple. Qu'est-ce qu'aujourd'hui ça te permet d'avoir par rapport aux autres, que ce soit dans le travail, dans la vie, ou même dans ton sport aujourd'hui ?
B. : Je dirais ce côté compétitif. Je me répète, mais je suis plus audacieux, plus autonome aussi, puisque j'ai appris à être autonome dans mes pratiques. Je sais pratiquer seul, je sais me discipliner seul. Et derrière, j'ai une meilleure maîtrise aussi de mon corps, une meilleure maîtrise de mes émotions, de mes sentiments. Je suis capable de savoir quand dire stop, de prendre plus de recul par rapport à plein de choses, parce que cette double vie m'emmène à avoir plus d'expérience, et donc parfois plus de maturité sur certains sujets.
C. : Si tu devrais me décrire un moment ou une réalisation de ton parcours qui résume le mieux de ta personnalité, hormis l'histoire du caleçon, laquelle ce serait ?
B. : J'ai subi un lourd échec lors d'une compétition en 2024. En janvier 2024, où je me suis vu refuser une barre très importante à cause des standards de compétition. On a trois arbitres. Pour avoir une barre validée, il faut qu'il y ait deux lumières blanches, deux arbitres sur trois. Et moi, j'ai eu un arbitre sur trois qui a dit oui, donc ça veut dire que le mouvement n’était pas vraiment réussi, un peu timide.
C. : C'était lequel de mouvement ?
B. : Soulevée de terre. Et qui m'a coûté une qualification importante.
C. : Quelle qualification ?
B. : Pour les championnats de France Open. Et à ce moment-là, j'ai su rebondir. Enfin, je me suis blessé deux mois après. Donc ça m'a fait double peine. Enfin, un mois après, elle m'a blessé aux pecs. Et enfaite j'ai su quand même rebondir après ça et aller me qualifier en novembre 2024 aux championnats de France. Donc c'est une grande réussite par rapport à ça. Mais c'est surtout avoir su rebondir après ce gros échec, qui m'aura coûté un pec.
C. : Merci Bastien !